Je m’intéresse au travail de Joël Jouanneau pour la musicalité de ses textes et son rapport ludique au langage. L’Adoptée est pour moi un poème léger, un conte, dont les personnages sont aussi contrastés que complémentaires, aussi drôles qu’attachants. Le texte, écrit en 2003, trouve un écho particulier dans notre actualité chargée des drames de l’immigration. Pourtant, mon but ici n’est pas de remettre dans le contexte actuel l’histoire mais bien de garder la question universelle, humaniste, que pose Jouanneau. C’est au spectateur de faire son propre cheminement, de trouver les Procolp et les Tom de sa vie et peut-être aussi de les regarder autrement. 

J’ai envie que l’on s’attache à ces personnages, que l’on finisse par s’identifier à eux. J’ai envie qu’à la fin, on veuille que Procolp soit notre grand-mère et Badine notre mère, nous racontant des histoires au coin du feu. J’ai envie que Tom s’apparente à notre copain imaginaire, celui qui ne parle pas mais nous rassure. C’est peut-être pour cela que Procolp finit par s’attacher à lui… 

Enfin, j’aspire également à ce que cette pièce anime nos esprits sur la question de notre rapport à l’altérité dans ce qu’elle a de plus évident et de complexe. Comment réagirions-nous face à une telle situation, un étranger sur nos terres ? Notre première réaction, fut-elle plus subtile, ne serait-elle pas similaire à celle de Procolp ? Être suspicieux et méfiant, avant même d’apprendre à connaître l’autre et de savoir ce que nous serions susceptible de nous apporter mutuellement ? Ou bien comme Badine qui, instinctivement, prendrait bien sous son aile ce petit Tom que la vie ne semble pas avoir épargné ? Imaginer aussi la position de ce dernier, son état d’esprit lorsqu’il découvre l’univers de ces deux voisines qu’il côtoie malgré lui, les raisons qui ont pu le conduire ici…